Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

17/12/2009

(Mini-série UK) Le retour de Jack l'Eventreur : les mystères de Whitechapel


Si je ne prends pas toujours le temps de m'installer devant, j'avoue que j'aime beaucoup Arte et sa politique de diffusion des fictions, offrant un pied-à-terre continental à quelques productions britanniques qui méritent le détour. C'est ainsi que ce vendredi soir, la chaîne diffusera l'intégralité des 3 épisodes composant la mini-série Whitechapel, du nom du quartier londonien théâtre des meurtres du plus célèbre serial killer de l'histoire, à la fin du XIXe siècle. Pour l'occasion, la fiction a été sobrement rebaptisée pour le téléspectateur distrait, aux connaissances géographiques confuses, Le retour de Jack l'Eventreur, de façon à attirer l'attention de quelques curieux.

Diffusée en février dernier sur ITV1, Whitechapel se déroule de nos jours, alors qu'un tueur semble reproduire, avec un réel sens du détail, les assassinats commis plus d'un siècle auparavant. L'enquête va conduire des policiers déstabilisés sur les chemins déjà empruntés par la police londonienne à l'époque. C'est finalement une version de l'histoire originale qu'il leur faudra choisir, pour espérer résoudre leur propre enquête ; s'intéresser au passé, pour comprendre le présent. Auront-ils plus de succès que leurs prédécesseurs ?

le-retour-de-jack-l-eventreur_121.jpg

L'incontestable atout de Whitechapel réside dans son concept. La mini-série entreprend de ressusciter Jack l'Eventreur, un mythe criminel instantanément intriguant, en suivant un assassin méticuleux qui adopte les mêmes schémas et méthodes que ceux de son inspirateur. Abondante en détails morbides, cherchant (sans toujours y parvenir) à créer une ambiance sombre, presque inquiétante par moment, Whitechapel se révèle être une fiction policière efficace. A partir de fondations très riches, le fait de marcher sur des traces, datant d'il y a 120 ans, va exercer un attrait historique, tout en générant une certaine frustration auprès du téléspectateur, surtout s'il est familier avec cette affaire. En effet, si les meurtres sont des reproductions des victimes de Jack l'Eventreur, la police semble, suivant le même mimétisme, reproduire ses erreurs d'autrefois. Si bien que le rapport entre le présent et le passé donne finalement l'impression de quelque peu tourner en rond ; on en vient à se demander si les scénaristes ne rêvaient pas secrètement de transposer le mythe de ce serial killer dans notre présent. Car, pendant une bonne partie de la mini-série, la police contribue à la reproduction de l'histoire, avec les mêmes errances, plus qu'elle ne s'aide du passé pour empêcher les drames futurs. Pourtant, lorsque la nécessité de comprendre la première enquête, pour résoudre celle à laquelle ils sont confrontés, s'impose enfin, la mini-série va se révèler habile à manier les sources dont on dispose sur cette époque, avec le recours à un ripperologist.

Si Whitechapel manque parfois un peu de consistance sur le fond, elle n'en demeure pas moins attachante, grâce à un duo principal d'enquêteurs, opposés et caricaturaux, mais très humains et dont l'association fonctionne bien. Le policier blasé et expérimenté et le jeune commissaire arriviste, maniéré et manquant de confiance en lui (Rupert Penry-Jones, à des lieues de Spooks), c'est une recette des plus classiques, mais elle est mise en scène efficacement ici. La galerie des personnages secondaires offre finalement un ensemble homogène et équilibré. Si bien que même si l'histoire se situe sur des sentiers très connus, on a envie d'y accompagner cette équipe d'enquêteurs, sans tenir compte du manque récurrent d'originalité.

Reste que, sur la forme, la série souffre des mêmes défauts que sur le fond. En effet, sans toujours éviter l'écueil de la caricature, la mini-série met beaucoup d'application, souvant maladroite, à essayer de se créer une identité qui lui est propre. Ce constat peut être fait aussi bien concernant les choix de réalisation et de traitement de l'image (quelques flashs maladroits de l'assassin, par exemple), que pour la bande-son, avec un thème récurrent au piano. Tout cela constitue des efforts louables, mais pas toujours bien dosés, ils apparaissent parfois excessifs ou inopportuns. Mais, s'ils n'atteignent pas vraiment leur but, ils ont le mérite d'exister.

whitechapel2.jpg

Bilan : Non exempte de défauts parfois frustrants, Whitechapel n'en demeure pas moins une honnête et efficace fiction policière qui se suit avec un intérêt jamais démenti, grâce à son fort concept de départ et à ses divers protagonistes. La diffusion des trois épisodes à la suite permet d'ailleurs à la mini-série de gagner en homogénéité dans la construction de l'enquête, le choix de diffusion de Arte étant donc à souligner. Si tout cela reste très classique et ne marquera pas la télévision, n'exploitant pas pleinement le potentiel initial, il est facile de se laisser happer par l'ambiance qui s'en dégage.
A découvrir avec curiosité !


NOTE : 7/10


Les trois premières minutes de la série : Disponibles sur le site officiel d'Arte

01/11/2009

(Mini-série UK) Cambridge Spies : l'histoire d'une trahison

vlcsnap-3347.png
cambridgespies.png

Cherchant dans ma DVDthèque l'inspiration pour le sujet de ce dimanche, je me suis arrêtée sur un classique, bien dans l'air du temps à quelques jours du retour de nos agents du MI-5 sur BBC One. Quelques années avant de travailler pour les services secrets de Sa Majesté, dans Spooks (MI-5), Rupert Penry-Jones avait déjà fait ses classes d'espion international dans une autre production de la BBC, dans laquelle il ne défendait, cette fois, pas les intérêts de la Couronne d'Angleterre.

En effet, en 2003, la BBC s'était attelée à raconter l'histoire des fameux Cambridge Five dans une mini-série, comportant 4 épisodes. Recrutés par les Services secrets Russes alors qu'ils étaient de jeunes étudiants à Cambridge, dans les années 30, ils  accédèrent ensuite à des postes à responsabilité et transmirent des informations à l'Union soviétique au cours de la Seconde Guerre Mondiale jusque dans les années 50. Ils figurent parmi les plus célèbres agents doubles de l'histoire de la guerre froide ; et il n'est pas rare de croiser leurs figures ou leurs noms au détour de la plupart des romans d'espionnage évoquant cette époque.

vlcsnap-5808.png

Cambridge Spies suit leur progression et leurs désillusions sur les chemins de la trahison, de leurs études à Cambridge (l'histoire commence en 1934) jusqu'à la défection de Burgress (Tom Hollander) et Maclean (Rupert Penry-Jones) pour l'Union soviétique, en 1951, laissant Philby (Toby Stephens), le plus emblématique d'entre eux sans doute, seul encore en poste. Fortement soupçonné, ce dernier démissionnera du MI-6 quelques années plus tard. La mini-série prend le temps d'expliquer la genèse de leurs choix. Puis, ce sera l'engrenage progressif des premières missions presque anodines, confiées par les Soviétiques, jusqu'à la transmission d'informations classées, une fois les personnages en poste. Ces parties séduiront tout amateur d'histoires d'espionnage, car nous y retrouvons tous les classiques du genre jusque dans les moindres petits détails. Une manière de rappeler que réalité et fiction ne font souvent qu'un dans ces domaines et nous offrant ainsi des scènes à l'atmosphère incomparable qui pourraient être sorties tout droit des romans de John Le Carré.

vlcsnap-5926.png

Mais Cambridge Spies ne se cantonne pas seulement à ces histoires d'espions. En effet, c'est un portrait sans complaisance de la haute bourgeoisie britannique du milieu du XXe siècle qui nous est proposé. Car, en 1934, c'est dans un contexte encore bien éloigné de celui de la future guerre froide que se scelle le destin de ces jeunes gens. Issus d'un milieu privilégié, leur attirance vers un idéal aux contours de réalisation encore si mal connus, le communisme, s'explique par leurs propres observations de ce monde auquel ils sont destinés. Ce n'est pas un régime, dont ils ignorent tant, qu'ils rejoignent, mais une utopie qui n'a jamais existé. Ils réagissent d'abord confrontés à cet étouffant immobilisme ambiant, face à la rigidité d'une haute société si codifiée, tandis qu'en toile de fond, le vieux continent européen connaît la montée des fascismes dans la relative indifférence de l'Establishment britannique.

vlcsnap-6761.png
 
Dotée d'une thématique forte, Cambridge Spies est parfaitement consciente qu'elle détient un sujet suffisamment solide pour pouvoir quelque peu broder autour. Si elle réussit pleinement dans sa description de la société britannique comme dans la mise en scène de ces jeux d'espions, elle peine parfois à rendre justice à ses personnages et à leurs relations. Elle offre dans l'ensemble une qualité inégale, même si l'intérêt du téléspectateur n'est jamais pris en défaut. S'alternent des scènes magistrales et des ruptures de rythme marquées par une scénarisation maladroite dans lesquelles la mini-série se perd un peu. Un des reproches majeurs qui fut adressé à cette fiction est sa propension à re-écrire quelque peu l'histoire, mêlant vérités historiques et ajouts romancés pas toujours très bien inspirés. Ne s'embarassant pas de subtilités pour exposer son point de vue narratif, elle n'hésite pas à verser dans la caricature. Cependant, ces quatre épisodes s'apprécient sans arrière-pensée, se suivant avec plaisir.
 
vlcsnap-9996.png

Au final, Cambridge Spies reste une belle mini-série qui aurait pu être perfectible, mais qui propose une description passionnante du milieu du XXe siècle européen. Servie par ce savoir-faire britannique, toujours si professionnel, pour les reconstitutions historiques, cette histoire laisse un arrière-goût doux-amer au téléspectateur. Seuls restent à l'écran des idéaux qui ont flêtri confrontés à la réalité, à l'ombre d'une nature humaine capricieuse et versatile capable du meilleur comme du pire. Cette impression diffuse est accrue par notre perspective d'observateur extérieur qui nous permet de bénéficier du recul historique, conscient des enjeux et percevant les faux-semblants bien avant des personnages principaux à la croisée des chemins.
 
vlcsnap-10638.png
 
Bilan : Une mini-série qui devrait combler les amateurs de fictions d'espionnage comme de reconstitutions historiques. Elle offre une interrogation sur les enjeux du pouvoir tout autant qu'un portrait critique de la bourgeoisie britannique, écrasée et immobilisée par ses codes sociaux, au tournant de la Seconde Guerre Mondiale.
 

NOTE : 7/10